La légalité et la moralité passées au crible
« L’idée est de collecter des centaines de données sur les individus et les entreprises, depuis leur capacité à tenir leurs engagements commerciaux jusqu’à leur comportement sur les réseaux sociaux, en passant par le respect du code de la route », résumait en octobre la sinologue Séverine Arsène dans une tribune au Monde. Seront donc passées au crible la légalité et la moralité dans les domaines économiques, sociaux et politiques, avec pour but un score dont découleront des récompenses ou des sanctions. Les Chinois pourront se voir ainsi restreindre l’accès à certains emplois, prêts, écoles ou transports publics. De telles « listes noires » existent déjà, par exemple dans le transport ferroviaire. « En Occident et en Chine, ce système est perçu complètement différemment, explique en préambule Antonia Hmaidi. Ici, on le voit comme une grande dystopie orwellienne. En Chine, ils estiment plutôt que la technologie va régler les problèmes de la société. » Et de rappeler que l’objectif-clé de ce projet du gouvernement chinois est de rétablir de la « confiance » au sein de la société, et ce, afin d’assainir les transactions économiques. « Il s’agit globalement de diviser ses citoyens en deux catégories : d’un côté, les personnes de confiance, de l’autre, ceux qui la rompent. »Soixante-dix projets pilotes
Pour tenter de comprendre à quoi va pouvoir ressembler le système de crédit social et ses possibles conséquences dans le futur, Antonia Hmaidi s’est penchée sur trois projets pilotes, les plus aboutis parmi les soixante-dix déployés par le gouvernement. En effet, Pékin a désigné des villes-tests mais aussi autorisé des entreprises comme Alibaba, concurrent d’Amazon, à développer leur propre système de notation. Centralisé ou hyperlocal, reposant sur des logiciels informatiques ou plutôt sur un vaste catalogue de règles, la Chine n’a négligé aucune possibilité.- dans la ville de Suining (Sichuan), « qui a porté en germe plusieurs éléments du SCS même s’il a été abandonné après de vives critiques de la part des citoyens et des médias d’Etat, notamment parce qu’il reposait essentiellement sur la sanction » ;
- de celui testé à Rongcheng (Shandong), « un système très avancé et à plusieurs niveaux » ;
- et, enfin, le système de crédit Sésame, développé par l’entreprise Alibaba, « le seul qui ait réellement utilisé le machine learning et l’intelligence artificielle pour traiter les données ». Il a notamment permis à l’Amazon chinois de garder captifs les internautes sur ses services et produits, faciliter les paiements et déterminer leur solvabilité dans un pays ou encore beaucoup de gens n’ont pas de carte de crédit ou de compte en banque.