Malgré les dénégations de la Chine, les Nations unies ont dénoncé le 10 août les persécutions subies par la minorité ouïghoure. Sous couvert de lutte antiterroriste, Pékin a mis en place des « camps d’internement ».
Les forces de l’ordre contrôleraient systématiquement les Ouïghours, reconnaissables physiquement (ayant la peau plus foncée), et laisseraient passer les Hans, indique Peter Irwin à France 24. Les jupes jugées trop longues seraient coupées en public, les barbes longues rasées et les prénoms à consonance musulmane interdits. Selon un rapport de Human Rights Watch, des familles ouïghoures seraient forcées d’accueillir chez elle un fonctionnaire chinois pendant plusieurs jours, qui rendrait ensuite un rapport aux autorités.
« Les Ouïghours sont arrêtés pour deux raisons principales : avoir eu ou tenté d’avoir des contacts à l’étranger et avoir exprimé leur foi. Pour cette raison, les familles exilées n’entrent pas en contact avec leurs proches restés sur place par peur de représailles », poursuit Peter Irwin. Plus de 100 étudiants ouïghours revenant en Chine depuis des pays comme l’Égypte ou la Turquie ont été emprisonnés. Certains sont morts en détention, a déclaré Gay McDougall, des Nations unies.
Des caméras de surveillance auraient également été installées à l’intérieur des mosquées, en ville comme à la campagne, note le chercheur spécialiste de la région James Leibold, de l’université australienne La Trobe, qui y voit le signe de mesures sécuritaires totalement disproportionnées : « C’est comme écraser une mouche avec un missile de croisière », déclare-t-il dans les colonnes de Foreign Policy.
Lavage de cerveau et torture par l’eau
Selon les Nations unies, au moins un million de personnes seraient détenues dans des « camps d’internement » où elles seraient forcées de réciter des chants et slogans à la gloire du gouvernement, d’apprendre la langue chinoise au détriment de la langue ouïghoure [proche du turc en alphabet arabe, NDLR] et de subir des séances de torture, notamment de simulation de noyade. De nombreux témoignages directs et concordants, obtenus notamment par Radio Free Asia, décrivent un système de « lavage de cerveau ».
Certains camps ont été repérés et identifiés sur des images satellites par un étudiant en droit de l’université américaine de Colombie britannique. Photos à l’appui, il décrit des établissements entourés de hauts murs surmontés de fil barbelé et de cours surmontées de tours de surveillance. Selon le Congrès ouïghour mondial, il existerait au moins 200 camps de ce type dans le Xinjiang et plus d’une trentaine de détenus y auraient perdu la vie.
L’objectif du gouvernement chinois est de « créer de loyaux sujets par la force », selon l’historien Rian Thum, interrogé par le média canadien The Globe and Mail. Les autorités veulent « les forcer à renoncer à leur religion, à jurer ‘fidélité’ au gouvernement / Parti communiste chinois, et de livrer des informations sur d’autres soupçonnés d’actions ou de pensées ‘terroristes, séparatistes ou extrémistes’, telles qu’elles sont définies par le gouvernement chinois », détaille l’ONG Défenseurs chinois des droits de l’homme (CHRD).
Détentions illégales
Grâce à une loi antiterroriste votée en mars 2017, le gouvernement peut emprisonner une personne pour ses actions ou discours « extrémistes », sans jamais préciser sa définition du terme « extrémiste ». Cette notion est « excessivement large », pour le Congrès ouïghour mondial, et « établit un lien direct » entre le terrorisme et la simple pratique religieuse.
Les ONG estiment par ailleurs que ces détentions sont « illégales ». « Tous ces détenus ont vu leur droit à un procès équitable violé, la plupart n’ont jamais été accusés d’avoir commis une infraction, n’ont jamais comparu devant un tribunal et n’ont jamais eu l’opportunité de contester l’illégalité de leur détention », a déclaré Gay McDougall devant la délégation chinoise à Genève.
La Chine continue de nier
Ces accusations, adressées pour la première fois en public aux autorités chinoises, « ne changeront rien sur le terrain pour les Ouïghours », regrette Peter Irwin. D’autant que Pékin les a rejetées en bloc lundi 20 août à Genève, face au comité des Nations unies.
« Les centres de rééducation n’existent pas », a déclaré Hu Lianhe, un officiel du Parti communiste chinois présent à Genève. Il a affirmé que la Chine ne visait aucune minorité ethnique et que ces dernières vivaient en paix, satisfaites de profiter de la liberté de culte. « Il n’y a pas de torture, de persecution, de disparitions de personnes rapatriées », a-t-il ajouté.
Ces accusations émanent, pour l’ambassadeur de Chine auprès des Nations Unis à Genève Yu Jianhua, de groupes politiques qui cherchent à diviser la Chine et qui sont liés à des organisations terroristes. « Prenant en considération certaines questions non factuelles, nous ne pouvons pas fournir les réponses que vous cherchez », a-t-il conclu.
Gay McDougall lui a répondu : « J’aimerais que des réponses soient apportées à mes questions, parce que des vies sont en jeu ».