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18/05/15 | 20 h 28 min

Le long de l'Himalaya, les excès du développement à la chinoise

Salouen

Le long de l’Himalaya, les excès du développement à la chinoise

Par 24matins.fr avec AFP, publié le
Le long du fleuve Salouen, entre Tibet et Birmanie, des barrages font partie d’un programme de développement. Mais sur le long de l’Himalaya, ces retenues ne seraient pas sans conséquences humaines et environnementales.
Dernier grand cours d’eau indompté de Chine, le fleuve Salouen, qui dégringole du Tibet vers la Birmanie, fait l’objet d’un programme très controversé de construction de barrages qui menace l’environnement et bouleverse l’existence des minorités ethniques. Dans cette région des contreforts de l’Himalaya, les pics glacés ont beau dépasser 5.000 mètres d’altitude, ils n’empêchent pas l’avancée à marche forcée des planificateurs communistes. Longeant les méandres de la Salouen (appelée en mandarin fleuve « Nu »), une route unique donne accès à la vallée encaissée. Au-delà du bourg de Bingzhongluo, elle devient difficilement carrossable. Une lamaserie aux toits dorés rappelle qu’on se trouve à une centaine de kilomètres du Tibet. Vingt-six moines vivent ici, plus une trentaine de novices. La plupart ne parlent pas le mandarin.

Himalaya : une biodiversité en danger

« Dans le bouddhisme, l’harmonie entre l’homme et la nature est cruciale », affirme Zhaxidoujie, un lama érudit assis devant un feu de bois. « Notre écosystème est très riche. La construction de barrages provoquerait la disparition de nombreuses espèces animales et végétales ». Prenant sa source sur le haut plateau tibétain, longue de 2.800 kilomètres, la Salouen présente des visages contrastés, avec des canyons vertigineux en amont et une courte portion navigable près de son delta en aval. Avant de se jeter dans le golfe de Martaban, au nord de la mer d’Andaman, le fleuve traverse l’état birman Shan et sert de frontière entre la Birmanie et la Thaïlande, à la latitude de Chiang Mai. Côté chinois, avec le Yangtsé et le Mékong, la Salouen est l’un des « trois fleuves parallèles », classés au patrimoine mondial, dans le nord-ouest montagneux de la province du Yunnan. Le cours supérieur de ces trois fleuves « présente probablement la plus riche biodiversité de toutes les zones tempérées de la planète », selon l’Unesco. Cette variété se retrouve dans le patchwork d’identités culturelles qui vivent dans les gorges de la Salouen. Qu’ils soient tibétains, du groupe ethnique loutse, lisu ou autres, ces habitants ont longtemps résisté à l’influence des Han, l’ethnie majoritaire en Chine. Sur place, on croise encore des femmes coiffées d’une casquette Mao, un imposant panier en bambou dans le dos, retenu par une sangle frontale. Ces paysannes descendent de leurs lopins en terrasses, chargées d’une plante au nom scientifique d’amomum tsao-ko, variété de cardamome aux vertus aromatiques et médicinales. Une fois leur récolte du jour vendue chez un grossiste, elles empruntent l’un des ponts suspendus sur la Salouen pour gagner leur village, où les masures sont accrochées à la pente. A l’intérieur, le mobilier est rudimentaire. Le plancher est en jonc tressé et, souvent, au centre de la pièce principale, on trouve un foyer chauffant une marmite, surplombé de gros morceaux de lard suspendus. En contraste avec ce décor qui semble immuable, le développement imprime ses marques le long du fleuve, kilomètre après kilomètre, toujours plus en amont.
Les maisons en bois aux toits d’ardoise laissent place à des habitations de parpaings ou de béton. Des lignes à haute tension sont tirées sur les versants défrichés. La région est couverte par la téléphonie mobile. Sur cette route menant au Tibet, la police a même installé des portiques équipés de caméras qui flashent les véhicules. Les cascades latérales qui dévalent vers le fleuve sont, l’une après l’autre, canalisées pour alimenter de petites centrales hydroélectriques. Selon un plan de développement de l’énergie rédigé en 2003, la Salouen devait se hérisser de 13 barrages. Aucun n’a pour l’instant vu le jour. Un convoi d'ânes traverse un pont sur le fleuve Salouen, appelé "Nu" par les Chinois, le 18 mars 2015 Ce projet géant, dans une région sismique, a en effet suscité une avalanche de critiques en raison de ses conséquences écologiques et humaines: il impliquait notamment le relogement de dizaines de milliers d’habitants. « Les autorités locales ont déplacé les populations sans considération, en assurant que les barrages aideraient à moderniser les zones déshéritées le long du fleuve. Mais le gouvernement n’a pas alloué à ces gens de nouvelles terres agricoles », explique à l’AFP Yu Xiaogang, de l’association de défense de l’environnement Greenwatershed. « Les villageois ont été déménagés vers des zones plus en hauteur, où la terre est moins cultivable. Des familles qui habitaient ensemble ont été séparées ».

Des populations déplacées

Face à la fronde, l’ancien Premier ministre Wen Jiabao a suspendu il y a quelques années le programme des 13 barrages. Mais, au grand dam des ONG, ce moratoire a été annulé dans le dernier plan quinquennal (2011-2015): cinq barrages restent officiellement prévus -un au Tibet, quatre au Yunnan- un objectif qui demeure colossal. Ainsi va la modernisation à la chinoise, dans les campagnes reculées: une urbanisation imposée et des migrations massives de populations contraintes de rejoindre des lotissements de maisons identiques, alignées au cordeau, qu’on voit près de la Salouen. Un sentier le long du fleuve Salouen, à  Yabiluo dans le Yunnan, le 17 mars 2015 Ces déplacements permettent aux habitants de gagner en confort, affirment les autorités communistes, qui en profitent pour disperser les ethnies minoritaires et favoriser l’avancée des Han, dont sont issues les élites nationales. La main-d’œuvre des grands chantiers n’est d’ailleurs pas recrutée localement. « J’ai accepté de venir ici quatre/cinq mois pour la construction d’une centrale hydroélectrique. Je travaille sept jours sur sept, 9 heures par jour, avec un salaire quotidien de 170 yuans (24 euros) », relate Shen Huaiyu, un Han originaire de Tengchong, à 400 km de là. Le bouleversement du mode de vie traditionnel des populations rurales de la Salouen se traduit par une explosion du volume de déchets, notamment en matières plastiques. Ces ordures sont déversées directement dans le cours d’eau, par des rampes d’accès spécialement aménagées, sans que cela paraisse choquer grand monde. « Je ne comprends pas pourquoi les gens agissent ainsi », se désole You Dakai, un homme de 29 ans de l’ethnie Lisu. « Avant, on pouvait boire directement l’eau puisée dans le fleuve ».
Partout en France, les adhérents des centres E.Leclerc s’associent avec des producteurs de leur région pour valoriser la production locale.
Crédits photos : © AFP GREG BAKER
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