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21/03/15 | 13 h 23 min par France Tibet

Que s’est-il passé au Troisième Pôle en 2014 ?

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photo : Yang Yong

 

écrit par Beth Walker ·

Le site thirdpole.net revient sur les événements environnementaux majeurs d’une année turbulente

La série de catastrophes naturelles qui a balayé la région himalayenne et l’Asie du Sud en 2014 met en avant avec acuité la vulnérabilité de cette zone géographique, face au changement climatique, ainsi que le manque de clairvoyance et de politique de développement.

En Juin, un gigantesque glissement de terrain sur la frontière sino-népalaise a tué 150 personnes et bloqué la route principale, déroutant des centaines de pèlerins qui voulaient se rendre au Mont Kailash au Tibet. Bien que les glissements de terrain soient communs dans les montagnes du Népal, celle-ci fût hors norme et pose des questions les calamités que le changement climatique réserve à la région de l’Hindu Kush et de l’Himalaya.

En Septembre, dans la vallée de l’Indus, d’intenses trombes d’eau hors saison ont laissé les traces de leur effet destructeur dans le Kashmir et d’autres parties de l’Inde du Nord, du Sindh et du Penjab pakistanais. L’état du Kashmir a ainsi connu la pire inondation de ses 50 dernières années. Le Premier Ministre indien, Narendra Modi, a déclaré l’état de catastrophe nationale. Avec son bétail et ses récoltes sous l’eau, cet Etat qui se remettait de plusieurs années de conflits se voit à nouveau cruellement mis à mal.

Au Pakistan, l’inondation s’est montrée tout aussi dévastatrice avec plus de 300 morts et 2,3 millions de personnes lésées, sans compter les ressources des populations rurales sacrifiées par la détournement obligée des eaux dans les champs de coton afin de sauver les villes. Il y a seulement quatre ans, une inondation restée dans les annales avait englouti une grande partie des terres pakistanaises, déplacé 20 millions de personnes à travers le pays, poussant l’ONU à décrire cet événement comme la pire catastrophe humanitaire de son temps.

Toutefois, peu de leçons ont été tirées des inondations de 2010, et l’étendue des dégâts a mis en lumière, une fois de plus, le manque d’une politique efficace de gestion des catastrophes dans les deux pays. Tandis que le Pakistan accuse l’Inde de ne pas avoir transmis des informations essentielles au sujet de l’inondation, les hauts fonctionnaires indiens admettent qu’il n’existe pas un système d’alerte propre au Kashmir indien. D’après les experts, l’utilisation aberrante des terres et l’insuffisance des infrastructures urbaines signifient que les événements climatiques continueront à se transformer en catastrophe.

En Octobre, dans l’Himalaya népalais, la saison de la mousson s’est terminée par l’arrivée dramatique du cyclone Hudhud qui apporta le chaos et démontra une fois de plus la défaillance des systèmes d’alerte précoces.

En fin d’année, un léger espoir avec la décision des membres du SAARC de créer un nouveau Centre régional de l’environnement et des catastrophes. Des observateurs espèrent que ce Centre pourrait être utilisé pour analyser des données hydriques fiables.

Eau et Energie

Le manque d’eau et d’énergie sont les deux plus grandes contraintes pour la croissance de l’Asie du Sud. Le sous-continent est miné par le rationnement de l’énergie, le manque d’investissements dans ce secteur, le vieillissement des infrastructures et une distribution inefficace, le tout menant à des pertes économiques. Le Népal et sa capitale, Kathmandu, continuent à souffrir de coupures de courant de 18 heures par jour ; et au Pakistan, ces coupures déclenchent des manifestations régulières tout au long de l’année.

Une approche plus collective pourrait apaiser un rationnement handicapant. Au sommet du SAARC de Novembre à Kathmandu, les Etats membres, incluant l’Inde et le Pakistan, se sont mis d’accord pour développer les échanges d’énergie et les infrastructures transfrontalières, des décisions qui ont pour but de faciliter la mise en place d’un réseau énergétique régional. Il existe déjà un réseau énergétique commun entre l’Inde, le Népal, le Bhoutan et le Bangladesh.

Dans le même temps, les pays espèrent profiter de l’énergie hydraulique de l’Himalaya pour pallier leurs lacunes. Le Népal a ouvert son secteur hydro-électrique aux investissements étrangers, signant des contrats avec l’Inde pour 1800 MW (quasiment le double de ses ressources actuelles). La Chine, quant à elle, espère en ce moment même finaliser des accords pour le projet en suspension du barrage du Seti de l’Ouest.

En Septembre, l’Inde donne son feu vert pour la construction du plus grand barrage de l’histoire sur un affluent du Brahmapoutre, sans consultation publique ni études sur les impacts en aval. Le projet hydro-énergétique de Dibang, d’une puissance potentielle de 3000 MW sera construit dans une zone écologiquement fragile de l’Arunachal Pradesh (Nord-Est de l’Inde) et s’ajoutera au 168 grands barrages déjà présents dans cette région.

En Novembre, la mis en fonction du plus grand barrage du Tibet, sur le Brahmapoutre, a débuté, provoquant l’inquiétude des médias indiens quant aux conséquences en aval. Ceci marque le début de l’exploitation à grande échelle de l’énergie hydraulique du Tibet.

Dans une course pour les ressources régionales, l‘Inde comme la Chine développent avec force les projets d’infrastructures.

Aller au charbon

L’année 2014 a vu le smog descendre sur de grandes parties de la Chine, et même assombrir le célèbre ciel bleu de Lhassa. Selon une nouvelle étude publiée plus tôt dans l’année, New Delhi connaît une situation encore pire que Pékin sur tous les paramètres de la pollution atmosphérique, New Delhi concentre ainsi toutes les vives critiques en la matière.

Comme la Chine entreprend d’ambitieux projets pour augmenter sa propre consommation de charbon d’ici à 2020, elle a signé en novembre des accords avec le Pakistan pour développer des centrales au charbon et d’autres projets énergétiques qui feront plus que doubler la production totale d’énergie du Pakistan. Dans le même temps une alliance indo-bangladeshi pour construire une énorme centrale au charbon dans les Sundarbans, la plus grand forêt de mangrove du monde, provoque des protestations du fait des impacts sanitaires et environnementaux. Officiellement, le projet n’aura pas de conséquence négative sur le fragile écosystème. D’après le gouvernement, le Bangladesh espère tripler sa production énergétique d’ici à 2030, dont la moitié grâce au charbon.

La coopération à la peine

Tandis que l’Asie du Sud a produit de petites avancées sur la coopération énergétique, cette bonne volonté a failli s’étendre vers une plus grande coopération au sujet des rivières et fleuves internationaux. En Août, la Convention des Nations Unis sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation est entrée en vigueur, dressant le premier cadre légal pour une coopération internationale des ressources hydrauliques, 50 ans après le premier jet d’encre. Toutefois la Chine a voté contre la Convention et l’Inde et les pays de l’Asie du Sud s’abstiennent.

En Août, les Commissaires des eaux de l’Indus en l’Inde et au Pakistan se sont mis d’accord pour ré-examiner les objections du Pakistan, à l’encontre du projet du barrage de Kishanganga et des quatre autres barrages sur les rivières Jhelum et Chenab, affluents de l’Indus. Le Pakistan s’est opposé à ces projets depuis qu’il s’était retiré de l’équipe de travail préliminaire. Mais l’Inde a maintenu avec fermeté que les projets hydrauliques étaient conformes au traité de 1960 sur les eaux de l’Indus. Pendant ce temps, la construction du barrage du Kishanganga dans l’État indien Jammu & Kashmir a provoqué la pollution de l’eau et des problèmes sanitaires en montagne.

l’Inde et le Bangladesh n’ont pas encore de solution pour résoudre le problème du partage des eaux de la Teesta. Les pourparlers traînent depuis deux décennies tandis que les villageois attestent que la Teesta est désormais réduite à un filet d’eau lors de la saison sèche dans le nord du Bangladesh ; ils ont par ailleurs protesté dans la capitale Dhaka et d’autres villes du pays.

Les pays de l’Asie du Sud se sont bien unis pour appeler à la formulation d’un traité de 2015, en amont du forum des Nations Unies pour le Climat de décembre 2014 au Pérou. Pourtant, les espoirs ont été balayés avec la fin des négociations péruviennes sur un appel à l’action, bien loin de ce qui sera nécessaire pour combattre le changement climatique.

Eaux détournées

Cette année, l’Inde comme la Chine ont poussé leurs projets de canaux, mettant en avant un penchant constant pour les solutions d’ingénierie plutôt que la promotion d’utilisation efficiente de l’eau. La seconde voie du projet Eau Nord Sud de 80 milliards de dollars a débuté en Décembre, avec pour la première fois, les eaux du Yangtze atteignant Pékin. La voie occidentale du projet controversé – qui détournera à travers le plateau tibétain les cours de trois affluents du Yangtze – est en attente d’une étude de faisabilité.

En Octobre, le Gouvernement indien annonça ses plans pour mettre rapidement sur place son propre projet de folie et potentiellement désastreux, c’est à dire unir 30 rivières à travers le pays, y compris le Brahmapoutre et le Gange en Himalaya. En terme de coût et de quantité en eau, le projet indien est encore plus ambitieux que celui de la Chine.

L’année s’est interrompue avec une marée noire majeure dans les Sundarbans du Bangladesh, un autre danger pour ce fragile écosystème.

Traduction France Tibet

 

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The series of natural disasters that battered the Himalayan region and South Asia during 2014 threw in stark relief the region’s vulnerability to climate change as well as poor planning and development policies.

In June a massive landslide on the Nepal-China border killed over 150 people and blocked the main highway, stranding hundreds of pilgrims travelling to the holy Mount Kailash in Tibet. Although landslides are common in mountainous Nepal, this one was huge and raised questions of what other calamities climate change has in store for the Hindu Kush-Himalaya region.

In September intense and unseasonable rainfall in the Indus river basin left a trail of destruction in Kashmir which spread to other parts of northern India and Sindh and Punjab provinces in Pakistan.  India’s northern state of Kashmir hit by the worst floods in 50 years. India’s prime minister, Narendra Modi, declared it a national disaster. With crops and livestock under water, a state that was re-emerging from years of conflict suffered a cruel setback.

On the Pakistani side, the flooding was equally devastating with more than 300 dead, 2.3 million people affected and rural livelihoods decimated as cotton fields were intentionally flooded to save cities. Only four years ago an epic flood engulfed large swaths of Pakistan, displacing 20 million people across the country, leading the UN to describe it as the worst humanitarian disaster of its time.

 

However, few lessons have been learnt from the 2010 floods and the havoc exposed, yet again, the lack of proper disaster management in both countries. Amid Pakistani accusations India that did not pass on key flood information, senior Indian officials admitted there is no flood warning system for Indian-administered Kashmir itself. Improper land use and poor urban infrastructure mean weather events will continue to turn into disasters, say experts.

In October the monsoon season was capped off with Cyclone Hudhud’s dramatic arrival in the Himalayas of Nepal which caused chaos and exposed further failings of early warning systems.

There was a small ray of light towards the end of the year as member states of the South Asian Association of Regional Cooperation (SAARC) agreed to establish a new regional disaster and environment centre. Some observers hope this can act as a clearing-house for reliable water data from member states.

Water and energy

Lack of water and energy are the two biggest constraints to growth in South Asia. The sub-continent is racked by energy shortages, with lack of investment, crumbling infrastructure and inefficient systems resulting in economic losses. Nepal continued to suffer 18-hours-a-day power cuts in the capital Kathmandu and power shortages in Pakistan sparked recurrent street protests this year.

A more collective approach could relieve debilitating shortages. At the November SAARC summit in Kathmandu, member states – including India and Pakistan– agreed to develop cross border energy trade and transmission lines, a move aimed to facilitate the integration of the regional energy grid. India, Nepal, Bhutan and Bangladesh already have an interconnected grid.

 

 

Meanwhile countries hope to tap Himalayan hydropower to close the power gap. Nepal opened up its hydropower sector to foreign investment, signing deals with India for 1,800 megawatts (almost double its current supply). China is now hoping to seal the deal on the long-stalled West Seti dam.

In September, India gave a green light to the construction of the largest dam in its history on a tributary of the Brahmaputra River, with no public consultation or study of downstream impacts. The 3,000 megawatt Dibang hydropower project will be built in the ecologically fragile region of Arunachal Pradesh, north-east India and is one of 168 large dams slated for the region.

In November, the largest dam in Tibet on the Brahmaputra River began producing power, causing concern in the Indian media over the impact on downstream water flow. This marks the beginning of large scale hydropower in Tibet.

Both India and China are also steamrolling road and infrastructure projects in this remote region in a race to mark their stake on the water and resources of the region.

At the coalface

The year saw smog descend yet again over large swathes of China, even tarnishing the famous blue sky days of Lhasa. New Delhi is worse off than Beijing, the city that gets all the flak, on all parameters of air pollution, according to a new study released earlier this year.

As China set ambitious targets to cap its own coal consumption by 2020 it signed deals with Pakistan in November to develop a number of coal-fired power stations and other energy projects that will more than double Pakistan’s total power output.

 

Meanwhile an India-Bangladesh joint venture to build a large coal plant in the Sundarbans, the world’s biggest mangrove forest, triggered protests over the health and environmental impacts. Officials claim it will not harm the fragile ecosystem. Bangladesh hopes to triple its power supply by 2030, with half to be generated from coal, government records show.

Cooperation runs dry

While the region made some small steps forward on energy cooperation this goodwill failed to spill over into greater cooperation over shared rivers. In August, UN Convention on the Law of the Non-Navigational Uses of International Watercourses came into effect, setting up the first global legal framework for cooperation over water resources between countries after 50 years of drafting. However China voted against the Convention and India and South Asian countries abstained.

In August, the Indian and Pakistani Indus Waters Commissioners agreed to re-examine Pakistan’s objections over designs of Kishanganga dam and four other hydropower dams on Jhelum and Chenab rivers – tributaries of the Indus. Pakistan has opposed the projects since they got off the drawing board. But India has steadfastly maintained that the run-of-the-river projects follow the 1960 Indus Waters Treaty between the two countries to the letter. Meanwhile, construction of the Kishanganga dam in India’s Jammu and Kashmir state has led to water pollution and health problems in the mountain area.

A solution to the problem of sharing the Teesta waters continued to elude India and Bangladesh. Talks have dragged on over two decades, while the Teesta has now been reduced to a trickle in northern Bangladesh in the lean season, say affected villagers, many of whom staged protests in the capital Dhaka and elsewhere this year.

South Asian countries did unite to call for a legally binding climate treaty by 2015 ahead of head of the UN climate talks in Peru in December. However, hopes were dashed as negotiations ended in a call for action that falls far short of what will be required to combat climate change.

Water diversion

Both India and China pushed ahead with their water diversion projects this year – displaying a continued penchant for engineering solutions over promoting efficient water use. The second route of China’s $80 billion South North Water Transfer project was switched on in December, with water from the Yangtze reaching Beijing for the first time.  The western route of the controversial project – which will divert waters from three tributaries of the upper Yangtze across the Tibetan plateau – is on hold pending a feasibility study.

In October, the Indian government announced plans to fast-track its own ill-conceived and potentially disastrous scheme to link 30 rivers across the country, including the Brahmaputra and the Ganga in the Himalayas.  This is even more ambitious than China’s plans in terms of costs and water quantity.

The year ended with a serious oil spill in the Sundarbans in Bangladesh, another source of danger to the fragile ecosystem.

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