LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME ENTERRE LA JUSTICE UNIVERSELLE POUR LE TIBET
Une saga de l’impunité…du 15 ème anniversaire de l’admission du procès pour le génocide au Tibet, à ses funérailles dans quelques jours.
Le secrétaire de la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH) vient d’annoncer le rejet des poursuites dans l’affaire du Tibet. L’adoption par la Cour d’une décision prise par un seul juge le 17 décembre 2020 « est définitive et ne peut faire l’objet d’un appel ».
Avec ce verdict, la Cour de Strasbourg certifie la mort de la Justice Universelle pour le Tibet.
Dans ce lien, le fichier PDF avec la maigre résolution de la CEDH.
La décision, bien que citée dans un court-collé d’un paragraphe, les articles de l’accord et le règlement du tribunal, n’offrent pas suffisamment d’informations ou n’expliquent pas les causes spécifiques d’irrecevabilité, en réponse aux 30 pages d’arguments et de fondements juridiques des appelants du CAT ( Comité de Apoyo al Tibet).
Notes transmises par André Gattolin, Sénateur des Hauts-de-Seine, vice-président de la Commission des affaires européennes au Sénat, membre de la Commission interparlementaire pour le Tibet, membre de l’IPAC ( Inter-Parlementaire Alliance sur la Chine).
Funeste décision de la CEDH
Communiqué de presse du Comité de soutien Tibet-CAT (Comité de Apoyo al Tibet), Barcelone
Chronologie des faits dans cette saga de l’impunité :
* En juillet 2005, des dizaines de cas de tortures, de disparitions forcées, d’assassinats, de massacres de Tibétains par l’armée et les forces chinoises ont été signalés à la Cour Nationale espagnole.
* Le 10 janvier 2006, trois juges de cette cour ont admis à l’unanimité que la plainte était recevable, considérant prima faciae qu’un génocide avait été commis au Tibet.
* Pendant 8 ans, des dizaines de victimes tibétaines, des témoins directs, des experts, des juristes et des représentants de différentes organisations de défense des droits de l’homme ont apporté leurs témoignages et la preuve des faits dénoncés.
* À la suite de cette enquête judiciaire du 18 novembre 2013, les trois juges de la troisième section de la chambre criminelle de la Haute Cour nationale ont, à l’unanimité, émis des mandats d’arrêt internationaux contre les autorités du Parti Communiste Chinois, comme les anciens présidents Hu Jintao, Jiang Zemin, ou leur ancien Premier ministre, Li Peng, en « déduisant l’existence d’indications de leur participation aux crimes internationaux dénoncés.»
* Quelques jours plus tard, des représentants du Parti Communiste Chinois se sont rendus au Parlement espagnol à Madrid afin de demander la fermeture du procès. Le gouvernement espagnol s’est agenouillé devant les autorités de Pékin et le Parlement a approuvé cette révocation de facto de la Justice Universelle, entrée en vigueur le 14 mars 2014.
La raison officielle invoquée pour cette réforme juridique selon le ministre des Affaires étrangères était : « maintenir de bonnes relations économiques et commerciales avec la Chine, car 20% de la dette nationale espagnole est entre les mains de la Chine ».
* Trois jours plus tard, le 17 mars, le juge chargé de l’enquête a demandé à l’accusation de clarifier cette nouvelle situation, afin de procéder à la clôture de l’affaire au Tibet.
Plus de sept ans d’appels ont été interjetés depuis, au cours duquel ni le Tribunal spécial espagnol (Audiencia Nacional), ni la Cour suprême, ni la Cour constitutionnelle, ni aujourd’hui la Cour de Strasbourg n’ont présenté d’objection juridique à cette réforme législative imposée par le Parti Communiste Chinois. Pas un seul.
José Elías Esteve Moltó, l’avocat enquêteur auteur des plaintes et professeur de droit international à l’Université de Valence, a posé plusieurs questions face à ces faits :« Cela étant, où sont les valeurs et principes et la protection des Droits de l’homme des soi-disant démocraties occidentales et de leurs institutions ? Où vont les démocraties si elles mettent de côté leurs principes fondateurs ? Si l’État de droit, avec toutes ses institutions n’est pas capable de résister aux attaques et au chantage du Parti Communiste Chinois, à quel avenir incertain conduit-il ses citoyens ? »
José Elías ajoute : « Les changements législatifs tels que la Justice Universelle en Espagne et les décisions de justice comme celle de la Cour de Strasbourg conduisent à la méfiance envers nos institutions qui se doivent de protéger nos droits fondamentaux ; et cette méfiance devient précisément le terreau nourrissant les populismes qui se répandent de manière incontrôlable dans le monde entier. Et pendant ce temps, beaucoup sont surpris par ces mouvements, qui ne sont rien de plus que le résultat d’une crise des valeurs et des principes » .
Alan Cantos, directeur du Comité de soutien au Tibet-CAT, le principal plaignant dans cette affaire s’est exprimé hier : « Une porte a été fermée, mais la « lutte pour les droits de l’homme » doit continuer et d’autres portes devraient s’ouvrir dans d’autres instances judiciaires, dans d’autres pays, que les pressions politiques et les menaces économiques de la Chine n’ont pas encore atteints et qui maintiennent toujours vivante la compétence universelle de leurs tribunaux ».
« Et surtout, il est important, dans cette nécessaire continuité de la Juridiction Universelle en Espagne, étant donné que cette mise à l’écart est due à des causes procédurales, si la loi de Justice Universelle en Espagne, actuellement suspendue, est modifiée et les obstacles actuels levés, le cas du Tibet et de nombreux autres cas, espérons-le, pourraient être rouverts par effet domino ».